Dimanche 1 août 7 01 /08 /Août 08:00

Je n'ai pas vraiment de fantasme identifié, de ceux que l'on peut cocher dans le test du supplément "sexo spécial été" glissé dans le magazine féminin qu'on lira sur la plage. Je n'ai pas vraiment, non plus, de paraphilie qui viendrait étiqueter ma sexualité. Elle s'invente au gré des jours et des amants.


Néanmoins, j'avouerai quelques tendances sidérodromophiles - oh la belle chose, le joli mot que voilà ! Le train trouble mes sens. Non que j'aie les lèvres humides à l'idée de le prendre, mais force est de constater qu'elles le sont bien souvent en en descendant.

Apollinaire y consacre un chapitre de ses Onze mille verges quand Alphonse Allais loue "la trépidation excitante des trains [qui] vous glisse des désirs dans la moelle des reins ».  Oh comme je regrette ces vieux trains cahotants qui excitaient leurs plumes. Il faut que mon corps soit bien sensible aux légers sursauts des TGV d'aujourd'hui, pour y trouver encore l'ombre d'un plaisir secret.

Je découvrais, cependant, voyageant fréquemment parfois dans des conditions bien particulières, que les petits tabourets inconfortables, vissés au plancher, de la voiture-bar, offraient assurément le meilleur taux de vibration. Aussi, je prenais l'habitude d'aller régulièrement y siroter, une heure ou deux, un café qui finissait toujours par être froid pour céder à ma passion discrète tout en écourtant les longues heures qui mènent d'un quai à l'autre.


Mais laissons pour un instant les trains cahotants.

Je n'ai pas de fantasme clairement identifié, disais-je. Ou presque. Je dois tout de même en confesser un...

L'idée de débaucher un homme de foi me trouble au plus haut point. Rien à voir avec "l'uniforme", bien qu'il fasse partie du jeu puisqu'il permet de les identifier en un clin d'oeil. Mais je maintiens, rien à voir. Un vulgaire amant, un amoureux dévoué à mes caprices, pourrait bien, pour me plaire, passer une soutane, je rirais sans doute mais aucun soupir languissant, aucun empressement sauvage ne viendrait m'animer.

C'est sans doute là, le pendant féminin, du plaisir que prennent les hommes à convaincre une pucelle de céder à leurs avances, l'équivalent du jeu de Valmont avec la petite mademoiselle de Volange.
Il faut que l'engagement soit vrai, et le voeu de chasteté solide. Je veux voir lutter le désir et la raison, je veux voir céder les garde-fous d'une morale absolue, je veux voir affleurer la frustration terrible des années d'abstinence, je veux voir se craqueler la peau du presque saint et caresser celle de l'homme en transparence.

Qu'on n'aille pas se méprendre, rien à voir, ici, avec un quelconque anti-cléricalisme. Je le laisse à quelques poignées d'athées hargneux et mal-baisés. J'ai foi en l'Homme et Dieu n'a rien à voir dans ma culotte ni sous ma couette. Et quand bien même je débaucherais ses petits émissaires, qu'il n'y voie nulle offense. Ce n'est qu'amour, vache mais tendre, que je leur porte.

Et s'ils me trouvent cruelle dans mes jeux, je les confesserai et laverai leurs pieds avant de les baiser. Je veux bien me faire Papesse pour qu'ils m'adorent ou Pute sacrée.

Et tant pis pour le blasphème mais je veux bien sucer pour deux osties et me contenterai d'une giclée d'eau bénite en missionnaire.


Mais revenons à nos moutons, de ceux qui regardent consciencieusement passer les trains.

A l'heure où j'écris ces mots, je suis assise, innocente, sur un tabouret à tige de métal vissée au sol d'un wagon-bar, quelque part entre Rennes et Lyon, après Le Mans. Quelques menus tracas avaient mis ma libido en sommeil pour une durée indéterminée que je craignais longue. Mais à peine dix jours se sont écoulés depuis le début de l'hibernation et je fais durer un café froid en écoutant le centre de moi s'éveiller, frémir et palpiter. Cela reste sage, encore, mais c'est bien là, présent, vivant. Et si, du bout de mon stylo, j'effleure l'air de rien un téton jusqu'alors muet, anesthésié, voilà qu'il me répond, une petite décharge gentille.

Mon corps me revient et me parle. Bientôt, il aura faim et je partirai en chasse pour lui trouver quelque charmante collation de peau, de muscle et de sang.

Mais il me faut dire, à présent, ce qui le pousse hors de ses retranchements et me fait vouloir mordre chaque centimètre de peau mâle, un bras, une nuque, qui passe à ma portée.

Il est là, sous mes yeux, mon casse-croûte idéal, mon fantasme à cocher, ma proie d'affamée, faisant la queue au bar, lui, moi m'oubliant dans un livre, sur un comptoir, à côté. De temps en temps, je me tourne vers elle, la queue, j'aime regarder les gens. Et je croise le regard d'un homme, beau. Un regard bleu mais pas froid, ou peut-être, si, glacial. Un visage de bellâtre à faire pâlir les midinettes, le cheveux brun, épais, la peau hâlée, la bouche bien dessinée, pleine et le nez fin. Mais il manque un je ne sais quoi à cette perfection plastique qui le rend beau, vraiment beau, quand les éphèbes me laissent de marbre.

Il a l'assurance tranquille de ceux qui n'ont rien à prouver, qui ne luttent pas pour mesurer à quelle distance se trouvent chacun autour d'eux ou s'ils sont dignes d'être aimés. Il n'a pas, du reste, l'air d'aimer tout le monde, mais un rapide élargissement panoramique du regard que je lui porte m'indique que c'est, en quelque sorte, son métier. Juste sous sa belle face, je distingue un col romain, plus bas encore une soutane, noire, descendant jusqu'aux pieds, un prêtre ! Un prêtre dans mon wagon-bar, quand mon corps reprend tout juste son souffle de femme vivante, éblouissant !

Bien sûr, je sais que je n'y goûterai pas, à la collation sublime qui surgit là comme une apparition. Mais mon corps est vivant, je vais pouvoir jouer. La frustration est le terreau fertile du désir, la sève qui m'anime.
Je traverse, cahotant, le couloir étroit où il patiente, le frôle, m'y frotte un peu. Comme il est pratique, parfois, d'avoir des formes qui débordent généreusement, qui se jettent, sans avoir l'air de pouvoir l'éviter, contre les flancs d'un prêtre qui croiserait ma route. Cela me laisse le temps de respirer, de renifler, animale, l'odeur de l'homme que j'irais bien chercher sous la bure. Dieu ne tolère pas de coquet dans ses troupes, il sent un peu la cave, la pierre froide et humide, la lessive domine, et derrière, au loin, affleure l'odeur de l'homme, la peau, un peu de sueur. Comme il doit faire chaud, sous tant d'étoffe, en plein été ! Pas de parfum, d'artifice pour masquer, la bouffée est suave, légèrement musquée, enivrante pour mon palais, fin connaisseur.

Je peux alors retourner à mon tabouret et me perdre en pensée, portée par les trépidations ferroviaires et la griserie de l'instant.


Faut-il qu'il existe, et qu'il soit joueur, ce Dieu qu'il sert, pour placer sur ma route, en ce lieu précis de mon trouble, l'objet secret de mes désirs ! Cynique, je ne saurais y croire...

Ô délicieux hasard qui contente, aujourd'hui, mes deux seules petites boîtes étiquetées, mes cases à cocher, mes voeux secrets, mes fantasmes sacrés.

Par Mademoiselle Winola - Publié dans : Melle W. et les hommes
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